

Travail de nuit et sommeil : comment concilier les deux ?
Un travail de nuit ayant des conséquences sur le sommeil
Travailler en horaire décalé influence fortement la qualité du sommeil.
Des perturbations du rythme circadien
Le travail pendant la nuit vient troubler notre fonctionnement physiologique. La raison est simple : notre horloge interne régule les rythmes circadiens en alternant les phases d’éveil et de sommeil. Ces états varient selon la lumière naturelle, ce qui déclenche des sécrétions d’hormones comme la mélatonine le soir ou le cortisol le matin. La qualité de sommeil en dépend. Or, rester éveillé au moment où le corps est censé dormir est contre-productif. La lumière artificielle sur les lieux de travail trompe notre cerveau. Les récepteurs de la rétine envoient un signal aux organes centraux qui assimilent cette luminosité au grand jour, et donc à la pleine activité. Les rythmes naturels sont alors désynchronisés.
Une dette chronique de sommeil
En travaillant régulièrement sur des périodes nocturnes, le corps subit un important déficit d’heures de repos. Selon l’INRS, on peut rapidement perdre une à deux heures de sommeil chaque jour, ce qui équivaut à la suppression d’une nuit par semaine2. En effet, le rattrapage des heures de sommeil en journée n’est pas aussi efficace que de bonnes nuits réparatrices. Entre la lumière, la température plus élevée, le bruit ou les obligations familiales, les personnes actives peinent à récupérer leur quota de sommeil. Ce cumul de fatigue entraîne de la somnolence et un manque de vigilance aggravant les risques d’accident du travail ou au volant3.
Une aggravation du stress
La rotation des postes en équipes entraîne un surcroît de stress. Les médecins ont notamment remarqué que ce type d’emploi augmentait la sécrétion de substances chimiques telles que le cortisol. Cette hormone du stress vient perturber le métabolisme du personnel en équipe de nuit. Et qui dit stress, dit difficultés d’endormissement et réveils fréquents, ce qui nécessite de lâcher prise. Les études ont cependant relevé que ce phénomène était moins courant chez les travailleurs nocturnes réguliers4.
Une mauvaise santé
Enchaîner les postes de nuit peut dégrader fortement la santé des personnes. Outre l’augmentation des troubles en période nocturne, l’ANSES a identifié de nombreuses pathologies liées à ces horaires de sommeil décalés. Les salariés sont davantage exposés à des risques de dépression, des dysfonctionnements métaboliques, des maladies cardiovasculaires ou des cancers5.
L’efficacité au travail pendant la nuit
Assurer un travail avec des horaires atypiques reste complexe pour certaines personnes du fait du manque de sommeil.
Un niveau de concentration variable selon les moments de la nuit
En travaillant sur des créneaux compris entre 21 heures et 6 heures du matin, il peut être difficile de maintenir un niveau de vigilance constant. Lorsque la vie d’un patient dépend d’une intervention délicate ou que la conduite d’un poids lourd demande une concentration maximale, il est nécessaire d’être en pleine possession de ses moyens. Seulement, des modifications de l’attention sont constatées lorsque l’on doit rester éveillé toute la nuit. Les salariés réagissent différemment selon les périodes nocturnes. Un suivi des facultés psychomotrices réalisé dans des contextes variés a montré que les travailleurs de nuit commençaient à être moins performants à partir de 22 heures. Ce niveau est au plus bas entre minuit et 4 heures du matin, puis revient à un palier intermédiaire en fin de nuit6. C’est ce qui a été confirmé lors d’accidents nucléaires tels que Tchernobyl survenu à une heure du matin ou Three Miles Island à 4 heures.
Des facteurs génétiques favorisant les postes nocturnes
Nous ne sommes pas tous égaux face au sommeil décalé en poste de nuit. Il semblerait que notre capital génétique entre en jeu d’après des chercheurs de l’université d’Oxford7. Ces équipes ont réussi à identifier que les génomes de l’ADN varient pour les employés capables d’aborder plus facilement le travail en horaires décalés. Ces « oiseaux de nuit » génèrent une récompense de sommeil d’une durée de 27 minutes, tandis que l’autre partie de la population affiche une pénalité de sommeil de 47 minutes. Les universitaires ont toutefois relativisé ces résultats puisqu’aucun génome particulier n’a été isolé précisément.
Nos astuces pour rattraper son sommeil et rythmer ses journées avec un travail nocturne
Quelques gestes vont vous aider à reprendre une bonne hygiène de sommeil si vous travaillez en poste de nuit ou en horaire décalé.
Dormir au calme et dans l’obscurité
Si vous voulez bien récupérer après une nuit de travail, faites en sorte de vous couper totalement du bruit et de la lumière. Fermez les volets ou tirez des rideaux occultants dans la chambre. Pour vous isoler phoniquement, utilisez des bouchons d’oreille ou un casque antibruit.
Récupérer en dormant le matin
Vous avez terminé votre poste de nuit au petit matin. Dans la mesure du possible, partez vous coucher une heure après la fin de votre travail, après avoir pris une douche tiède. Ce moment sera propice à un sommeil de qualité.
Faire des siestes régulières en évitant la fin de journée
Si vous sentez la fatigue arriver en journée, prenez le temps de faire quelques siestes de vingt minutes qui seront bénéfiques pour votre récupération. Évitez toutefois de dormir en fin d’après-midi afin de pouvoir enchaîner avec une nuit de repos complète ou une session de travail nocturne.
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Pratiquer une activité physique en extérieur en journée
Pour synchroniser vos rythmes biologiques, il est important de programmer une activité physique en extérieur chaque jour. Prévoyez à minima une demi-heure d’exposition à la lumière naturelle. Pour cela, la marche, le vélo ou même le jardinage garantissent une séance de luminothérapie quotidienne !
Éloigner les appareils électroniques
Pour favoriser votre sommeil diurne, supprimez les écrans de votre chambre, coupez les notifications et les sonneries de vos appareils. Vous éviterez ainsi la tentation de consulter votre téléphone à la moindre sollicitation, et par la même occasion, éloignerez la lumière bleue qui retarde votre endormissement.
Créer une atmosphère propice au sommeil
La règle ultime pour dormir à poings fermés après vos nuits de travail, c’est le confort. Et pour cela, misez sur une literie de qualité que vous aurez plaisir à rejoindre. Installez-y un oreiller et une couette en duvet d’oie et laissez-vous envelopper d’un nuage de douceur, la tête dans les étoiles !
1Dares-Ministère du Travail : Étude sur le travail de nuit en 2022 - Novembre 2023
2INRS : Travail de nuit, stop aux a priori
3SFRMS : Le travail posté et de nuit et ses conséquences pour la santé
4Santé Publique France : Bulletin épidémiologique hebdomadaire : Le temps de sommeil en France - Mars 2019
5ANSES : L’Anses confirme les risques pour la santé liés au travail de nuit - 2016
6Livre Le travail humain par Béatrice Barthe, Yvon Quéinnec, Françoise Verdier - 2004
7Revue Sleep : Gene-x-environment analysis supports protective effects of eveningness chronotype - Février 2023